Publié le 18 avril 2024

Le financement de votre startup au Canada ne se résume pas à céder des parts de votre entreprise au premier venu.

  • Le financement basé sur les revenus (RBF) préserve 100 % de votre capital social.
  • Le sociofinancement valide votre marché et crée une communauté engagée avant même le lancement.
  • Les fonds locaux et l’investissement d’impact valorisent votre mission et vos retombées régionales.

Recommandation : Construisez une « mosaïque de capitaux » alignée sur l’ADN de votre entreprise, pas uniquement sur les attentes des firmes de capital-risque.

Pour de nombreux entrepreneurs canadiens, la quête de financement ressemble à une course effrénée vers un seul et même trophée : l’investissement en capital-risque (VC). On nous dépeint un parcours quasi obligatoire, jalonné de pitchs, de levées de fonds et d’une croissance exponentielle à tout prix. Cette vision, popularisée par les succès de la Silicon Valley, laisse croire qu’il n’existe qu’une seule voie vers la réussite. Pourtant, cette voie unique est souvent un costume mal taillé pour une grande partie des entreprises innovantes du pays, celles dont la croissance est plus mesurée, dont l’impact est profondément local ou dont les fondateurs souhaitent préserver leur vision et leur contrôle.

Le réflexe est souvent de se tourner vers le trio classique : capital-risque, investisseurs providentiels ou prêt bancaire. Or, ces options ne sont ni les seules, ni toujours les meilleures. Et si la véritable clé n’était pas de trouver un unique financeur tout-puissant, mais de composer une mosaïque de capitaux intelligente et adaptée ? L’enjeu n’est plus seulement de trouver de l’argent, mais de trouver le BON argent. Un financement qui respecte l’ADN de votre entreprise : son rythme, sa mission et sa souveraineté entrepreneuriale. C’est une approche stratégique qui ouvre un univers de possibilités souvent méconnues mais particulièrement pertinentes dans l’écosystème canadien.

Ce guide est conçu pour éclairer ces chemins alternatifs. Nous allons déconstruire la jungle du financement pour vous montrer comment des outils comme le financement basé sur les revenus, le sociofinancement ciblé ou l’investissement d’impact peuvent non seulement financer votre croissance, mais aussi la renforcer de manière plus saine et plus durable. Nous explorerons comment bâtir une stratégie de financement qui vous sert, et non l’inverse.

Cet article vous guidera à travers les différentes strates du financement innovant au Canada. Vous découvrirez qui sont les acteurs clés, comment fonctionnent les mécanismes alternatifs et comment choisir la solution la plus alignée avec votre vision, pour bâtir une entreprise à la fois rentable et fidèle à ses valeurs.

Incubateur, accélérateur, VC : qui fait quoi dans la jungle du financement des startups ?

Avant de chercher des alternatives, il est essentiel de comprendre le rôle de chaque acteur traditionnel de l’écosystème. Confondre un incubateur avec un fonds de capital-risque est une erreur fréquente qui peut coûter cher en temps et en énergie. Chaque structure répond à un besoin et à un stade de maturité différents de votre entreprise. Un incubateur agit comme une pouponnière : il accueille des projets au stade de l’idée ou du prototype. Son but est d’aider les fondateurs à structurer leur concept, valider leur modèle d’affaires et construire un produit minimum viable (MVP). L’accompagnement est long (6 à 24 mois) et la dilution de capital est faible, voire inexistante.

L’accélérateur, lui, appuie sur l’accélérateur, comme son nom l’indique. Il s’adresse à des startups ayant déjà un MVP et une première traction sur le marché. En échange d’une participation au capital (souvent 5-10 %), il offre un programme intensif de 3 à 4 mois axé sur la croissance rapide, le réseau commercial et la préparation à une levée de fonds plus conséquente. Enfin, le fonds de capital-risque (VC) n’est pas un mentor mais un investisseur financier. Il injecte des sommes importantes dans des entreprises en phase de scaling (croissance forte), en échange d’une part significative du capital (15-30 %), avec un objectif clair : une sortie rentable (vente ou entrée en bourse) en 5 à 7 ans.

L’écosystème canadien est particulièrement riche en structures spécialisées. Par exemple, MaRS à Toronto est une référence en MedTech et CleanTech, capitalisant sur son réseau hospitalier, tandis que Communitech à Waterloo excelle dans le B2B SaaS grâce à sa proximité avec l’université. Le Creative Destruction Lab (CDL), présent dans plusieurs villes, se concentre sur la Deep Tech avec un modèle de mentorat unique, et Centech à Montréal s’oriente vers l’industriel en donnant accès aux laboratoires de l’ÉTS. Comprendre cette cartographie est la première étape pour savoir où (et où ne pas) frapper à la porte.

  • Stade de développement : Idée (incubateur), produit minimum viable (accélérateur), traction commerciale (VC).
  • Besoin principal : Mentorat technique (incubateur), accès au réseau commercial (accélérateur), capital de croissance (VC).
  • Dilution acceptable : 0-2 % (incubateur), 5-10 % (accélérateur), 15-30 % (VC).
  • Localisation : La proximité physique est souvent cruciale pour les incubateurs, mais moins pour les VC à portée nationale.

Choisir la mauvaise structure, c’est risquer de s’engager sur une voie qui ne correspond pas à l’ADN de votre entreprise, vous forçant à pivoter non pas par stratégie, mais pour plaire à des partenaires aux objectifs divergents des vôtres.

Le guide complet du crowdfunding : comment choisir la bonne plateforme et réussir votre campagne

Le sociofinancement, ou crowdfunding, est bien plus qu’une simple collecte de fonds. C’est un outil marketing puissant qui permet de valider un produit, de construire une communauté d’ambassadeurs et de générer des revenus avant même la production. Au Canada, le paysage du sociofinancement est mature et diversifié, offrant des options pour chaque type de projet. On distingue principalement quatre modèles : le don (sans contrepartie), la récompense (prévente d’un produit), le prêt et l’investissement en capital (equity crowdfunding), où les contributeurs deviennent actionnaires. Ce dernier modèle connaît une croissance fulgurante au Canada, avec des plateformes comme FrontFundr qui détient plus de 93 % de parts de marché et a facilité la levée de 68,3 millions de dollars canadiens en 2024.

Le choix de la plateforme est stratégique et doit être aligné avec la nature de votre projet. Une plateforme internationale comme Kickstarter offre une visibilité mondiale, idéale pour un produit innovant à fort potentiel viral, mais la concurrence y est féroce. À l’inverse, des plateformes locales offrent un accompagnement plus personnalisé et un ancrage communautaire fort.

C’est le cas de La Ruche au Québec. Cette plateforme se distingue par sa mission : soutenir des projets à impact social, économique ou culturel local. Elle offre un accompagnement par des ambassadeurs régionaux et, en cas de succès, peut débloquer l’accès à des financements additionnels de partenaires comme Desjardins ou des programmes gouvernementaux. C’est un exemple parfait de financement aligné sur une mission locale, loin de la logique de croissance à tout prix du capital-risque.

Pour vous aider à y voir plus clair, voici une comparaison de quelques plateformes clés accessibles aux entrepreneurs canadiens, qui illustre bien la diversité des options disponibles.

Comparaison des plateformes de crowdfunding au Canada
Plateforme Spécialité Portée géographique Particularités
La Ruche Québec Projets locaux à impact social Québec Partenariat Desjardins, accompagnement personnalisé
FrontFundr Equity crowdfunding Canada 93% du marché, 258M levés depuis 2015
Ulule Canada Projets créatifs et innovants National/International 80% de taux de réussite, commission 4-7%
Kickstarter Produits innovants International Visibilité mondiale, forte concurrence

En fin de compte, une campagne de sociofinancement réussie ne vous apporte pas seulement des fonds ; elle vous offre une preuve de marché irréfutable et une base de clients fidèles, des atouts bien plus précieux sur le long terme.

Le financement basé sur les revenus (RBF) : l’alternative au capital-risque pour les entreprises qui ne veulent pas céder de parts

Imaginez un financement qui ne vous coûte aucune part de votre entreprise. C’est la promesse du financement basé sur les revenus (Revenue-Based Financing ou RBF), une alternative de plus en plus populaire au Canada, spécialement conçue pour les entreprises numériques comme les SaaS et les sites de commerce en ligne. Le principe est simple : un financeur vous avance une somme d’argent, et vous le remboursez en versant un faible pourcentage de vos revenus mensuels jusqu’à ce qu’un montant total prédéfini (généralement 1,1x à 1,5x le capital initial) soit atteint. Il n’y a aucune dilution de capital, aucun siège au conseil d’administration et aucune pression pour une sortie rapide. Le remboursement s’adapte à votre santé financière : si vos revenus baissent, vos mensualités aussi.

Cette flexibilité est la raison de son succès. Alors que le capital-risque cherche des licornes à la croissance explosive, le RBF soutient des entreprises solides et rentables avec une croissance prévisible. C’est un modèle en plein essor, avec un marché mondial qui devrait atteindre 778,9 milliards USD d’ici 2033. Au Canada, des acteurs comme Clearco (anciennement Clearbanc) et Goverce ont démocratisé ce modèle. Pour être éligible, une entreprise doit généralement démontrer une certaine maturité :

Représentation graphique comparative entre RBF et capital-risque avec courbes de croissance

Comme le montre cette visualisation, le RBF est un flux qui s’adapte à votre paysage financier, tandis que le capital-risque impose une structure rigide à votre capital. Les critères d’éligibilité sont principalement basés sur vos données financières, rendant le processus rapide et objectif. Voici les standards typiques observés au Canada :

  • Des revenus mensuels récurrents d’au moins 20 000 $ CA.
  • Un modèle d’affaires SaaS ou e-commerce avec des marges brutes saines (supérieures à 40 %).
  • Un historique de revenus d’au moins 6 mois.
  • Une croissance mensuelle démontrable.
  • Une situation financière saine, sans dettes importantes.

Le RBF n’est pas un prêt traditionnel ni un investissement en capital ; c’est un partenariat de croissance aligné sur votre succès, une option stratégique pour financer le marketing, les stocks ou le développement sans sacrifier le contrôle de votre destinée.

Prêt bancaire ou fonds communautaire : quelle est la meilleure option pour votre petite entreprise ?

Pour les entrepreneurs qui ne sont ni dans le numérique ni dans l’hypercroissance, le financement se joue souvent entre deux pôles : la banque traditionnelle et les fonds communautaires. Bien que les deux puissent offrir des prêts, leur philosophie, leurs critères et leur impact sont radicalement différents. Le prêt bancaire classique est avant tout une analyse de risque financier. La banque évalue votre historique de crédit, vos actifs tangibles (pouvant servir de garantie) et votre capacité à générer des flux de trésorerie stables pour couvrir les remboursements. C’est une option rationnelle, souvent bien adaptée pour financer des actifs matériels comme de l’équipement ou un bâtiment.

Les fonds communautaires, quant à eux, adoptent une perspective beaucoup plus large. Des organisations comme les Sociétés d’aide au développement des collectivités (SADC) au Canada, ou des acteurs québécois comme PME MTL et les Fonds de solidarité FTQ, intègrent l’impact social et économique local dans leur équation. Ils sont souvent plus disposés à financer des entreprises de services, des projets à forte composante sociale ou des entrepreneurs ayant un accès plus limité au crédit traditionnel. Leur analyse va au-delà des ratios financiers pour évaluer la création d’emplois locaux, la revitalisation d’un quartier ou la contribution à l’écosystème régional.

Étude de cas : Le café de quartier versus la petite usine

Imaginons deux projets à Montréal. Un café de quartier avec un fort ancrage communautaire sera probablement mieux servi par un fonds local comme le Fonds de solidarité FTQ, qui valorisera son rôle de lieu de rassemblement et son impact sur la vie de quartier. Une petite usine de fabrication nécessitant des équipements coûteux, en revanche, pourrait trouver un meilleur partenaire avec la Banque de développement du Canada (BDC), dont les prêts sont spécifiquement adaptés au financement d’actifs tangibles, avec des périodes de remboursement plus longues et des conditions liées à la machinerie.

Le choix dépend donc entièrement de l’ADN de votre entreprise. Comme le souligne un expert dans le Guide du financement communautaire au Québec :

Les fonds communautaires sont souvent des prêteurs de dernier recours, mais ils comprennent mieux les retombées locales d’un projet et offrent un accompagnement personnalisé que les banques traditionnelles ne peuvent pas fournir.

– Expert PME MTL, Guide du financement communautaire au Québec

Opter pour un fonds communautaire n’est pas seulement une décision financière ; c’est un choix stratégique qui ancre votre entreprise dans son territoire et vous donne accès à un réseau de soutien qui va bien au-delà de l’argent.

Les nouveaux mécènes : comment les « family offices » et l’investissement d’impact changent la donne du financement

Loin des cycles de financement effrénés du capital-risque, une autre catégorie d’investisseurs gagne en importance : les « nouveaux mécènes ». Il s’agit principalement des family offices (bureaux de gestion de patrimoine familiaux) et des fonds d’investissement d’impact. Ces acteurs partagent une caractéristique clé : ils recherchent un rendement qui n’est pas seulement financier, mais aussi social, environnemental ou générationnel. Ils injectent ce qu’on appelle du « capital patient », acceptant des horizons de retour sur investissement beaucoup plus longs que les 5-7 ans d’un VC traditionnel. Pour eux, le succès d’un investissement se mesure aussi par la pérennité de l’entreprise et l’héritage qu’elle construit.

Les family offices canadiens, qui gèrent la fortune de grandes familles d’entrepreneurs, cherchent de plus en plus à investir dans des entreprises qui partagent leurs valeurs. Approcher un family office est un exercice de relations humaines, pas seulement de chiffres. Il s’agit de démontrer un alignement profond avec leur mission familiale, leur vision philanthropique ou leur désir de soutenir une industrie ou une région qui leur est chère. Le rendement financier est important, mais la construction d’une relation de confiance et la vision à long terme priment souvent sur le profit à court terme.

Investisseurs d'impact réunis dans un espace vert avec éléments de durabilité

L’investissement d’impact, de son côté, est plus structuré. Il s’agit de fonds dédiés qui ont pour double mission de générer un rendement financier mesurable ET un impact social ou environnemental positif et quantifiable. Des fonds comme Renewal Funds en Colombie-Britannique ou le Grand Challenge Canada, financé par le gouvernement fédéral, sont des exemples parfaits. Ils investissent dans des secteurs comme les technologies propres, la santé durable ou l’éducation, et exigent des entrepreneurs un reporting rigoureux sur leurs indicateurs d’impact. C’est un financement exigeant mais profondément aligné pour les entreprises à mission.

Votre plan d’action : aborder les family offices au Canada

  1. Identifier les cibles : Utilisez les réseaux d’avocats d’affaires et de gestionnaires de patrimoine pour identifier les family offices dont les valeurs correspondent à votre secteur.
  2. Créer le contact : Participez aux événements philanthropiques et aux conférences sectorielles où ces familles sont actives pour créer une première connexion.
  3. Obtenir une introduction : Une introduction chaleureuse par un contact de confiance (banquier privé, avocat) est souvent indispensable.
  4. Adapter le discours : Préparez un pitch axé sur l’impact transgénérationnel, la durabilité et l’alignement avec les valeurs familiales, plutôt que sur les multiples de sortie rapides.
  5. Démontrer l’alignement : Prouvez concrètement comment votre entreprise contribue à une mission ou à une cause qui leur est chère.

En choisissant ce type de « capital patient », vous ne trouvez pas seulement un financeur, mais un véritable partenaire engagé dans votre vision à long terme, qui comprend que la valeur d’une entreprise ne se résume pas à sa prochaine évaluation financière.

Le financement à tout prix : l’erreur qui peut vous faire perdre le contrôle de votre entreprise

Dans la culture startup, lever des fonds est souvent célébré comme une victoire en soi. Pourtant, accepter de l’argent sans en mesurer toutes les conséquences peut être la première étape vers la perte de contrôle de sa propre entreprise. Le concept clé à maîtriser est celui de la dilution du capital. Chaque fois que vous émettez de nouvelles actions pour un investisseur, votre pourcentage de détention diminue. Si cette dilution est trop agressive ou mal comprise, vous pouvez rapidement devenir minoritaire dans votre propre projet et perdre votre pouvoir décisionnel. Le capital-risque, par sa nature, est le modèle le plus dilutif. Une seule ronde de financement peut vous coûter entre 20 % et 40 % de votre entreprise.

C’est précisément pour préserver cette souveraineté entrepreneuriale que des alternatives comme le RBF ont été créées. Comme le dit Michele Romanow, présidente et co-fondatrice de Clearco, une leader canadienne du RBF :

Le financement basé sur les revenus est souvent une proposition bien plus convaincante pour les fondateurs que le capital-risque, car ils conservent la pleine propriété de leur entreprise.

– Michele Romanow, Présidente et co-fondatrice de Clearco

Le contrôle ne se limite pas au pourcentage de capital. Il s’agit aussi du contrôle décisionnel et de l’horizon de sortie. Un investisseur VC siégera à votre conseil d’administration et aura son mot à dire sur les décisions stratégiques. Plus important encore, son modèle économique l’oblige à rechercher une sortie (vente de l’entreprise ou entrée en bourse) dans un délai de 5 à 7 ans. Si votre vision est de bâtir une entreprise familiale sur plusieurs générations, ou de la faire croître à un rythme organique et durable, vos intérêts seront fondamentalement désalignés avec ceux d’un VC.

Le tableau suivant, basé sur des données générales et des programmes comme la nouvelle déduction pour entrepreneurs canadiens, illustre clairement l’impact des différentes sources de financement sur votre contrôle.

Impact de la dilution selon le type de financement
Type de financement Dilution du capital Contrôle décisionnel Horizon de sortie
Capital-risque 20-40% Conseil d’administration mixte 5-7 ans obligatoire
RBF 0% 100% fondateur Flexible
Prêt bancaire 0% 100% (avec garanties) Selon échéancier
Crowdfunding equity 5-15% Majoritaire fondateur Variable

En fin de compte, le meilleur financement n’est pas le plus important en montant, mais celui qui vous permet de construire l’entreprise que vous souhaitez réellement diriger, aujourd’hui et demain.

Votre argent a un pouvoir : faut-il choisir l’ISR ou l’impact investing pour financer le monde de demain ?

Pour les entrepreneurs dont l’entreprise porte une mission sociale ou environnementale, il est essentiel de s’associer à des financeurs qui partagent cette vision. Deux termes reviennent souvent : l’Investissement Socialement Responsable (ISR) et l’Investissement d’Impact (Impact Investing). Bien que liés, ils représentent des philosophies très différentes. Comprendre cette nuance est crucial pour trouver le bon partenaire. L’ISR est principalement une stratégie de « non-nuisance ». Elle fonctionne par exclusion : les fonds ISR évitent d’investir dans des secteurs considérés comme néfastes (tabac, armement, énergies fossiles). C’est une approche passive, un filtre négatif qui vise à réduire les risques et à respecter certaines valeurs éthiques.

L’Investissement d’Impact, à l’inverse, est une démarche proactive et intentionnelle. L’objectif n’est pas seulement d’éviter de faire du mal, mais de générer activement un impact positif et mesurable. Un fonds d’impact investira délibérément dans une startup qui développe une technologie pour purifier l’eau ou une entreprise qui favorise l’insertion professionnelle, avec l’intention de générer un double rendement : financier et social. Cet engagement implique un reporting rigoureux sur des indicateurs de performance non financiers (KPIs d’impact), comme le nombre de tonnes de CO2 évitées ou le nombre de personnes sorties de la précarité.

Vue macro d'une feuille d'érable canadienne avec gouttes de rosée reflétant la lumière

Le Québec offre un exemple unique de modèle hybride avec ses Fonds de travailleurs, comme le Fonds de solidarité FTQ et Fondaction. Ces fonds collectent l’épargne des travailleurs québécois (encouragée par un crédit d’impôt provincial de 30 %) pour l’investir dans des PME locales. Leur double mission est de générer un rendement pour les épargnants tout en contribuant au développement économique régional et au maintien des emplois au Québec. Avec des centaines de millions investis chaque année, ils sont un pilier du « capital patient » québécois, finançant des entreprises de tous les secteurs avec une perspective ancrée dans l’économie réelle et les retombées locales.

Pour un entrepreneur à mission, s’orienter vers l’investissement d’impact, c’est trouver des partenaires qui considèrent sa mission non pas comme une contrainte, mais comme un atout fondamental. Ils comprennent que la performance durable ne peut être que le fruit d’un modèle d’affaires qui répond à de véritables enjeux de société.

Choisir un investisseur d’impact, ce n’est pas seulement obtenir du capital ; c’est valider que votre vision d’un monde meilleur est aussi un modèle économique viable et désirable.

À retenir

  • Le financement doit s’aligner sur l’ADN de votre entreprise : son rythme de croissance, sa mission et votre désir de contrôle.
  • L’écosystème canadien offre un large éventail d’alternatives au capital-risque : RBF, fonds communautaires, sociofinancement en capital, etc.
  • La souveraineté entrepreneuriale (garder le contrôle) est un objectif stratégique accessible, pas un luxe inatteignable.

Bâtir une entreprise qui change le monde (et qui est rentable) : le guide des modèles d’affaires durables

L’idée qu’une entreprise doit choisir entre la rentabilité et l’impact positif est un mythe dépassé. Les entreprises les plus innovantes et résilientes d’aujourd’hui sont celles qui parviennent à intégrer leur mission au cœur même de leur modèle d’affaires. Au Canada, des entrepreneurs visionnaires démontrent qu’il est possible de bâtir des empires commerciaux tout en répondant à des enjeux cruciaux. Le secret réside dans la transformation des contraintes (environnementales, sociales, réglementaires) en véritables avantages concurrentiels. Cela passe par l’innovation dans le produit, la chaîne d’approvisionnement, le modèle de distribution ou la relation client.

L’archétype de ce modèle au Québec est sans conteste Lufa Farms. L’entreprise n’a pas simplement construit des serres ; elle a réinventé l’agriculture urbaine. En installant ses fermes sur les toits de Montréal, elle a transformé des espaces inutilisés en terres agricoles productives. Son modèle combine une technologie de serres innovante, une distribution en circuit court via des paniers bio, et une marketplace de produits locaux. Le résultat ? Avec quatre fermes totalisant plus de 160 000 pieds carrés, Lufa nourrit près de 20 000 familles chaque semaine tout en réduisant l’empreinte carbone alimentaire de 90 % par rapport au système traditionnel. C’est la preuve qu’un impact massif peut être la source même d’une rentabilité solide.

L’écosystème réglementaire et fiscal canadien offre d’ailleurs plusieurs leviers pour soutenir ces modèles d’affaires durables. Un entrepreneur avisé ne subit pas la réglementation, il l’exploite. Savoir naviguer ces programmes est une compétence stratégique. Voici quelques pistes concrètes pour transformer les politiques canadiennes en avantage :

  • Identifier les incitatifs fiscaux : Le programme de crédit d’impôt pour la Recherche Scientifique et le Développement Expérimental (RS&DE) peut rembourser jusqu’à 35 % de vos dépenses en R&D.
  • Exploiter les nouvelles déductions : La nouvelle Déduction pour entrepreneurs canadiens réduit le taux d’inclusion des gains en capital, favorisant la reinvestissement.
  • Utiliser les programmes d’accélération verte : De nombreuses subventions fédérales et provinciales ciblent le développement de technologies propres.
  • Obtenir la certification B Corp : Ce label internationalement reconnu valide votre engagement social et environnemental, vous différenciant auprès des consommateurs et des investisseurs d’impact.

Pour que ces stratégies fonctionnent, elles doivent être intégrées dès le départ. Pour bien saisir comment y parvenir, il est utile de revoir les composantes d'un modèle d'affaires durable et rentable.

Pour passer de la théorie à la pratique, commencez par cartographier l’ADN de votre entreprise et identifiez les deux ou trois options de cette liste qui y répondent le mieux. C’est le premier pas pour bâtir votre propre mosaïque de capitaux, une fondation solide pour une croissance qui a du sens.

Rédigé par Sofia Chen, Sofia Chen est une coach pour startups et stratège en modèles d'affaires avec 8 ans d'expérience au sein de l'écosystème technologique de Toronto. Elle accompagne les entrepreneurs de la première heure dans le lancement et le financement de leurs projets.